Par sarthetourisme, le 22 décembre 2023
Temps de lecture : 7 min

Lors des dernières Rencontres de l’hôtellerie de plein air le 17 octobre dernier, Sarthe Tourisme a invité Olivier Gautron, expert-comptable spécialisé dans ce secteur et associé à BDO, un cabinet d’audit et de conseil, à intervenir devant les propriétaires et gérants de camping. Il nous livre ses analyses sur les enjeux et l’évolution du secteur.

Comment évolue l’hôtellerie de plein air ?

La France a perdu 1 000 terrains de camping en 10 ans, majoritairement des petits campings. Pour rappel, l’hôtellerie de plein air c’est 50 % des lits touristiques en France. Il ne faudrait pas perdre trop de campings puisque le pays aurait du mal à assumer sa politique touristique. À côté de cela, nous constatons deux phénomènes de concentration. Les gros opérateurs indépendants (Sandaya, Capfun, Homair…) se livrent une vraie bataille pour la reprise des campings avec beaucoup d’emplacements (plus de 250 emplacements ndlr). Le deuxième phénomène de concentration est le développement des chaînes sous la forme de franchise (Camping Paradis, Yelloh, Flower…). Certaines chaînes se concentrent sur des petits et moyens campings de 60 à 150 emplacements (Flowers, Sites et Paysages..) au contraire de Yelloh qui sera plutôt sur des terrains de 150 voire 500 emplacements.

Il y a un vrai besoin d’aller chercher de la nouveauté et d’aller chercher de l’expérience client différenciante.

Olivier Gautron - Expert-comptable spécialisé dans l'hôtellerie de plein air

Olivier Gautron – Expert-comptable spécialisé dans l’hôtellerie de plein air

Quels sont les enjeux de l’hôtellerie de plein air aujourd’hui ?

Le 1er enjeu est l’équilibre financier. Comment développer du chiffre d’affaires nécessaire au financement des travaux que les gérants doivent effectuer pour faire évoluer leur terrain de camping ? Si les gestionnaires de campings n’arrivent pas à augmenter suffisamment leur chiffre d’affaires, ils se retrouveront dans l’incapacité de mettre à niveau leur terrain et les outils nécessaires à leur développement. Pour les petits terrains c’est encore plus important. Nous savons que ce n’est pas pendant l’exploitation que le gérant va se rémunérer mais plutôt à la sortie, lorsqu’il va vendre, mais seulement si son terrain est bien équipé et s’il présente une attractivité importante par un référencement web intéressant et une offre locative suffisante.

Ensuite il y a les enjeux sociaux. Il est de plus en plus difficile de recruter. Certains campings se retrouvent en tension tout l’été à cause du manque de personnel que ce soit sur les postes de ménage, d’animation ou au bar et au snack. Nous constatons que les saisonniers sont de moins en moins investis une fois qu’ils sont recrutés. Les gestionnaires doivent être capables de créer et mettre en avant une marque employeur pour attirer et garder leurs employés.

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Le 3e enjeu est d’ordre environnemental. Il faut réfléchir sur l’aménagement paysager en intégrant les problèmes climatiques qui sont de plus en plus présents : problème d’inondabilité, d’incendie… Comment fait-on aujourd’hui pour avoir un camping cohérent au niveau paysager tout en assurant une sécurité environnementale à moyen et à long terme ? Certains campings installés dans des zones à risques devront peut-être déménager dans les 10 ans. Les questions d’assurance sont primordiales : dès que l’assurance a connaissance d’un risque naturel important, elle a les capacités de rompre le contrat. Ce sont des enjeux organisationnels et des contraintes techniques impactantes dans le développement de l’affaire.

Le 4e enjeu, c’est le positionnement du camping sur le marché. Si les petits terrains de camping ne bougent pas, ils disparaitront. Les campings qui auront modifié leur offre par des prestations para-hôtelière et par une offre de services particulière, survivront. La rentabilité sur les emplacements nus n’est pas suffisante pour couvrir des charges de structures qui ne font que progresser (coûts d’assurance et d’entretien, masse salariale…). Avec les enjeux que nous avons cités plus tôt, jamais les petits campings ne dégageront suffisamment de cash pour financer des travaux d’amélioration du terrain. Donc il y a un vrai besoin d’aller chercher de la nouveauté et d’aller chercher de l’expérience client différenciante. Je prends souvent l’exemple du plus petit terrain de camping avec qui je travaille. Avec ses 12 emplacements, il génère 250 000 euros de chiffre d’affaires par an. Le gestionnaire y a installé une cabane dans les arbres, des chalets et des tentes lodges haut de gamme. Résultat, il travaille non seulement en juillet et en août mais aussi pendant l’avant saison et de façon beaucoup plus rentable. Le camping est assez attractif pour que des clients viennent passer deux nuits à 150 euros dans un chalet en-dehors de la saison estivale.

L’outil principal d’un gérant en hôtellerie de plein air n’est pas sa tondeuse ni son taille-haie, c’est son site internet.

Olivier Gautron - Expert-comptable spécialiste de l'hôtellerie de plein air

Olivier Gautron – Expert-comptable spécialiste de l’hôtellerie de plein air

Comment démarrer la transformation de son camping ?

Le premier pas serait de savoir où vous souhaiteriez être dans 5 ou 10 ans puis d’écrire une stratégie. Une fois la stratégie écrite, d’autres questions vont se poser : quels sont les besoins pour la mettre en œuvre ? Quels sont les aménagements, offres et services à fournir aux clients pour que le camping devienne une destination à part entière ? Une fois ce travail de fond réalisé, on peut réfléchir aux outils nécessaires. Comment mettre en œuvre la stratégie en termes de commercialisation ? Pouvez-vous l’assumer seul ou devez-vous être accompagné par une chaine ? Avec la Fédération Nationale de l’Hôtellerie de Plein Air, nous avons créé une commission pour réfléchir à cette problématique. L’objectif est de trouver des modèles économiques pour les petits terrains. Cinq modèles d’exploitation sont en cours d’étude et seront proposés. Ces modèles nécessitent toutefois des investissements lourds. Pour trouver le bon équilibre financier, il est impératif que la Fédération noue des partenariats avec les organismes bancaires tels que la BPI (Banque Publique d’Investissement) afin de réduire le poids du remboursement de la dette. Il ne faudrait pas que dès la mise en place des nouveaux projets le chiffre d’affaires soit phagocyté par le poids de cette dette.

Avez-vous identifié des enjeux spécifiques aux campings sarthois ?

L’un des enjeux pourrait être la formation. Comment les gestionnaires de camping, surtout dans les départements comme les vôtres, peuvent se former afin d’identifier les leviers nécessaires au développement de leur activité ? Créer une identité forte, une marque, c’est bien, mais si derrière le gérant ne sait pas la commercialiser, ça ne sert à rien. Or, pour bien commercialiser il faut connaître les outils, maitriser le référencement web (référencement naturel et payant) et le « yield management » : tarifer de façon anticipée et proposer des prix en adéquation avec l’offre, la concurrence et la saisonnalité. Je ne serais pas étonné si certains campings en Sarthe ne proposaient que 4 tarifs par an. On peut travailler comme cela mais ce sera au détriment de la rentabilité et des taux d’occupation. L’outil principal d’un gérant en hôtellerie de plein air n’est pas sa tondeuse ou son taille-haie, c’est son site internet. Beaucoup le voient comme une contrainte et des coûts supplémentaires sans se rendre compte que ça pourrait leur rapporter.

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sarthetourisme